AccueilCinéma"Le Comte de Monte-Cristo" : un blockbuster à la française

« Le Comte de Monte-Cristo » : un blockbuster à la française

Il y a un consensus grandissant pour qualifier Le Comte de Monte-Cristo de « blockbuster à la française », et à juste titre. Le film respecte scrupuleusement les codes du genre, à l’exception de réussir l’exploit de rendre superbes ses protagonistes sans jamais céder à la facilité de les dénuder, et rien que pour cela, merci !

Dès la première scène, le ton est donné : entre mer et feu, un sauvetage grandiose par le point de vue d’une caméra immersive. Nous savons déjà que les trois heures suivantes vont être grandiloquentes, mais aussi que la réalisation a placé la barre très haute sur le traitement visuel.

La photographie bénéficie souvent de scènes éclairées à la bougie, et ponctuellement de set designs témoins de la « passion exotique » du XIXe siècle, empruntant sa lumière à la peinture orientale de Delacroix. La photographie suit les nœuds du récit et à chaque acte sa teinte. Un premier acte où la lumière douce d’une après-midi d’été prédomine et caresse les visages d’une jeunesse innocente qui badine. Plus tard, en contraste d’images et au service du sens, le film nous accable d’une ambiance quasi-gothique pour mieux nous délivrer les moments les plus sombres du récit, comme un reflet des ténèbres qui envahissent le cœur du Comte de Monte-Cristo.

Ce comte, parlons-en. Pierre Niney nous offre là certainement sa meilleure, en tout cas la plus époustouflante de ses interprétations. Ce n’est pas un, mais au moins cinq rôles que s’attache à construire Pierre Niney, puisqu’il est question de se parer de tous les masques, mais aussi de toutes les facettes d’un personnage, qui vit une transformation interne et externe sur plus de vingt ans. Un défi immense qu’il relève magistralement, jusqu’à, nous-mêmes, nous faire tomber dans le panneau le temps d’une scène d’acting bluffante en duo avec Lafitte.

Les moyens déployés pour la réalisation sont évidents, mais c’est sans doute l’interprétation de Pierre Niney qui reste la plus grande réussite du film. Un film populaire, mais rendu exigeant par la précision et l’implication de l’acteur principal particulièrement, mais de l’ensemble du casting en général.

Est-ce que la réalisation et les dialogues sont too much ? OUI. Est-ce que c’est dérangeant ? NON. Please, give me more.

C’est un film qui prend le parti du grandiloquent et y reste fidèle de la première à la dernière scène. La réalisation s’adresse sans conteste à un large public et embrasse sans complexe un style épique : chasses à courre filmées au drone et combats d’épée spectaculaires ne nous sont pas épargnés, mais vous savez quoi ? Elles se dégustent comme un guilty pleasure.

La bande originale symphonique, les personnages de « méchants » archaïques, quelques scènes attendues ou communes – la leçon d’honneur donnée par l’armateur pour exemple, les dialogues très écrits, les punchlines énigmato-romantiques jetées en gros plan sur un duo amoureux… tout cela aurait pu nous sortir du récit.

Et pourtant. Pourtant, les acteurs sont pleinement engagés dans leur personnage et parviennent à s’approprier un texte parfois galvaudé, pour un résultat convaincant, et même élégant. À ce sujet, Anaïs Demoustier brille par l’exquise précision de ses expressions, tandis que Laurent Lafitte rend savoureux l’infâme.

Annamaria Vartolomei, nouvelle étoile montante du cinéma français, livre une performance plus en retenue. Pour nous, elle ne parvient pas tout à fait à révéler la complexité du personnage d’Haydée. Il faut dire que nous sommes encore sous le choc de sa prestation, tout à fait dans un autre registre, mais brillante, celle de Maria, dans le film éponyme réalisé par Jessica Palud, que nous venons de découvrir en Cannes Première il y a quelques jours.

Il est vrai qu’il était difficile de partir du mauvais pied avec un scénario signé Alexandre Dumas. Mais quand même. Même si l’on connaît déjà l’intrigue par cœur, le film parvient à captiver pendant plus de trois heures. Seul regret, la transition rapide du château d’If à l’île de Monte-Cristo, qui selon nous, aurait mérité davantage de développement pour mieux saisir le périple solitaire d’Edmond, son espoir croissant, et donc, son incommensurable déception à Paris, déclic de sa froide et méticuleuse vengeance.

Entre nous, la projection presse ne nous a pas suffi, et nous attendons avec impatience l’arrivée en salle le 28 juin pour revivre ce quatuor de feu Dumas-Niney-Patellière-Delaporte.

C’est un gros coup de cœur, et un gros coup de larmes. Merci à l’ensemble des personnes ayant contribué à la naissance de ce film pour ces trois heures de cinéma exceptionnelles !

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