Ça y est, l’information vient de tomber ! Ce mercredi 27 février, les organisateurs du Festival de Cannes ont mis fin au suspense en annonçant le nom du président du Jury 2019.
C’est le réalisateur mexicain multi-oscarisé Alejandro Gonzalez Iñarritu qui présidera cette année le jury du 72ème Festival de Cannes. Il succède à l’actrice australienne, Cate Blanchett, qui était notamment à l’affiche de son film Babel. C’est à présent à lui que revient la lourde et prestigieuse tâche de remettre le 25 mai prochain le Saint Graal du cinéma international ; la Palme d’Or. Celle-ci avait été décernée l’an dernier au film de Hirokazu Kore-eda, Une affaire de famille.
C’est la première fois que le festival cannois nomme un artiste mexicain à sa présidence. Ces derniers jours, certaines rumeurs courraient que c’est un de ses compatriotes et ami, Alfonso Cuarón, qui tiendrait ce rôle. Le choix d’Iñarritu apparait toutefois évident, puisque le cinéaste entretient depuis ses débuts dans le 7ème art une relation privilégiée avec la croisette.
« Dès le début de ma carrière, le Festival de Cannes a été important pour moi. Je suis honoré et ravi d’y revenir cette année, et immensément fier de présider le jury. Le cinéma coule dans les veines de la planète et ce Festival en est le cœur »
Alejandro Gonzalez Iñarritu
Des passages à Cannes remarqués
C’est à Cannes en 2000, durant la Semaine de la critique, qu’avait été présenté son premier long métrage Amours Chiennes pour lequel il avait reçu le Grand Prix. Il a ensuite réalisé cinq autres films dont deux ont concouru pour la Palme d’Or. Il y a eu Babel en 2006, qui a reçu le prix de la mise en scènes et Biutiful en 2010 qui a valu à Javier Bardem le Prix d’interprétation masculine.
En 2017, il s’est à nouveau fait remarquer à Cannes avec son œuvre immersive Carne y Arena ; une installation en réalité virtuelle qui met les spectateurs dans la peau d’un migrant traversant la frontière mexicano-américaine. A travers cette création d’un nouveau genre et au message politique fort, Alejandro Gonzalez Iñarritu a voulu donner une dimension nouvelle au cinéma en mettant le spectateur au cœur de l’action pour lui faire vivre une expérience bouleversante et inoubliable. Le réalisateur a, à cette occasion, réaffirmé son talent audacieux et surprenant et sa capacité à réinventer et innover le cinéma tel qu’on le connait. C’est un lien très fort qui lie le cinéaste au Festival de Cannes. C’est sans doute ce qui l’a poussé à accepter cette mission de Président, puisqu’il consent rarement à participer à un jury. C’est avec enthousiasme et fierté qu’il entreprend cette fonction.
« Avec le jury, nous aurons le privilège d’être les premiers spectateurs des nouveaux films de nos collègues cinéastes venus du monde entier. C’est un véritable plaisir et une grande responsabilité, que nous assumerons avec passion et dévouement »
Alejandro Gonzalez Iñarritu
De Mexico à L.A, l’entrée dans la légende hollywoodienne
Avec seulement 6 long-métrages au compteur, le réalisateur de 55 ans a dirigé certains des plus grands acteurs actuels et a été primé dans les festivals les plus prestigieux. Tous ses films ont notamment été nommés au Oscars et plusieurs récompensés.
Alejandro Gonzalez Iñarritu a débuté sa carrière au Mexique comme présentateur vedette d’une radio musicale rock. Il s’est ensuite dirigé vers la création de publicités et de courts-métrages pour la télévision mexicaine. Sa rencontre avec le scénariste Guillermo Arriaga a marqué le début de la réalisation de longs métrages et de plusieurs autres collaborations importantes avec celui-ci. C’est avec Arriaga qu’il a réalisé Amours Chiennes qui a révélé l’acteur Gael Garcia Bernal.
Iñarritu s’est par la suite installé à Los Angeles et a débuté un cinéma plus international à l’univers sombre et dont le destin de ses personnages s’entremêle. Pour son deuxième film, 21 Grammes, il dirige des acteurs qui sont autres que Sean Penn, Naomi Watts, Benicio Del Toro ou encore Charlotte Gainsbourg. C’est ensuite Brad Pitt et Cate Blanchet, en touristes américains au bord de la dérive dans le désert marocain, qu’il met en scène dans Babel. En 2010, Javier Barden nous prend aux tripes dans Biutiful dans son rôle de père de famille misérable au bord de la mort.
C’est cependant ses deux derniers films qui le propulsent parmi les légendes hollywoodiennes. Avec Birdman, le réalisateur signe le grand retour de Michael Keaton en acteur ringard qui tente de renouer avec sa gloire perdue. Pour ce film, il a remporté en 2015 4 Oscars sur 7 nominations, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur. L’année suivante, les Oscars ont continué de tomber avec The Revenant. Nommé 12 fois, ce western survival a obtenu l’Oscar du meilleur réalisateur et de la photographie et a enfin permis à Léonardo DiCaprio d’obtenir la consécration que l’on attendait tous, l’Oscar du meilleur acteur après 5 nominations.
Los Tres Amigos ; la razzia mexicaine aux Oscars
Le parcours d’Alejandro Gonzalez Iñarritu à Hollywood évoque en outre celui de deux autres réalisateurs mexicains, Alfonso Cuarón et Guillermo Del Toro. Les trois confrères partagent une amitié fidèle depuis de longues années et incarnent par leur talent et leur succès le nouvel âge d’or du cinéma mexicain. Ils ont conquis rapidement le cinéma international et se sont fait connaître avec des films tels que le Labyrinthe de Pan ou encore La Forme de l’eau pour Guillermo Del Toro, et Children of men ainsi que Gravity pour Alfonso Cuarón.
Les trois amis ont été nommés et récompensés à de nombreuses reprises dans divers festivals tels que les Golden Globes, les Baftas, la Mostra de Venise, le Festival de Cannes ainsi qu’aux Oscars. Ils ont involontairement formé depuis 2014 une sorte de triumvirat mexicain sur l’Oscar du meilleur réalisateur. En effet depuis cette date ils monopolisent à tour de rôle ce titre (seul Damien Chazelle a réussi à subtiliser la statuette, en 2017 avec La La Land). En 2014, Alfonso Cuarón a remporté le fameux titre pour son film Gravity. Les deux années suivantes c’est Iñarritu qui a récupéré le trophée avec Birdman et The Revenant. 2018 a été l’année de Guillermo Del Toro avec La Forme de l’eau qui lui a valu en plus de l’Oscar du meilleur réalisateur, celui du meilleur film. Tout récemment, c’est-à-dire dimanche dernier, le 24 février, Alfonso Cuarón a respecté cette fameuse tradition lors de la 91ème cérémonie des Oscar en embarquant à nouveau l’Oscar du meilleur réalisateur pour son nouveau film Roma. Il a également décroché celui du meilleur film et de la meilleure photographie.
A chacun de leurs films, Iñarritu, Cuarón et Del Toro se consultent pour parler et se conseiller sur leurs travaux en cours. En mars 2018 Alfonso Cuarón avait déclaré au journal El País, « Il n’y a pas un film que je réalise qui ne passe pas dans leurs mains et sous leur regard critique ». Bien que les trois cinéastes aient des styles, des univers et des manières de tourner différents leur films sont étroitement liés de part leur origine, leurs références culturelles, ainsi que par le regard et l’immense respect que les réalisateurs portent au travail de chacun. La création de la société Cha Cha Cha Prodution en 2007 incarne notamment leur amitié et leur passion pour le cinéma.
C’est donc ce cinéma mexicain qui a le vent en poupe et qui rafle tout sur son passage, que Pierre Lescure et Thierry Fremaux, ont décidé de mettre à l’honneur cette année au 72ème Festival de Cannes.
Si nous connaissons celui qui présidera le jury, il faudra encore faire preuve d’un peu de patiente pour savoir le nom des autres membres qui l’accompagneront, ainsi que celui ou celle qui aura l’honneur de présenter la cérémonie. En ce qui concerne les films qui vont concourir à Cannes, il semble que Once Upon A Time in Hollywood de Quentin Tarantino, Ema de Pablo Larain, Roubaix, ville lumière de Arnaud Desplechin et Douleur et gloire de Pedro Almodovar se tiennent prêts pour la sélection.