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Le Successeur : Mémoires de nos Pères

Après le choc de Jusqu’à la Garde, Xavier Legrand revient sur nos écrans, et ce dans une relative discrétion. Avec Le Successeur, le réalisateur réaffirme pourtant la force de son cinéma, en signant un thriller glacial conjugué à un drame intime bouleversant, pour prolonger sa réflexion sur la cellule familiale.

Six ans séparent le premier long-métrage de Xavier Legrand et ce bien nommé Successeur. Et c’était peu dire que le réalisateur était attendu au tournant. Multi récompensé, Jusqu’à la Garde, avait glacé le sang des spectateurs tout en abordant un sujet d’actualité : les violences conjugales. On aurait pu penser que Legrand allait continuer à creuser ce sillon sociétal, mais c’est pourtant vers d’autres rivages que s’oriente son second long-métrage, peut être moins facile à appréhender tant il est impossible de parler du film sans gâcher la surprise du spectateur. Car surprises, ou plutôt uppercuts, il y a.

On passera vite sur le synopsis : Elias, Québécois exilé depuis de longues années à Paris, est un créateur de mode particulièrement en vue. Mais alors qu’il est nommé Directeur d’une grande maison de Haute-Couture, il apprend le décès soudain de son père d’une crise cardiaque, l’obligeant à renouer avec un passé qui aurait peut-être dû rester enfoui. La bande-annonce n’en montre d’ailleurs pas plus.

Masculinité toxique et figure du père

Disons seulement qu’à travers les circonvolutions – parfois difficile à avaler du scénario, mais c’est toute la prise du risque du réalisateur scénariste, Xavier Legrand explore à nouveau la question de la masculinité toxique, de son insidieuse propagation, et, en effet de miroir avec son précédent film, de son hérédité. Devons-nous payer pour les fautes de nos pères ? C’est tout le questionnement moral qui va dessiner la destinée tragique du personnage d’Elias, jusqu’au point de rupture.

A travers un dilemme moral éprouvant dont on taira la nature, Legrand dessine un huis clos étouffant, habité par la prestation surprenante de Marc-André Grondin qui frôle souvent le sur-jeu, sans jamais basculer. Premièrement étude de personnage puis pur thriller dans sa seconde partie, Le Successeur assume de voir son scénario prendre le pas sur ses personnages, de voir le fatum écraser la narration conventionnelle, c’est l’invraisemblable qui pénètre dans le quotidien.

La mise en scène, peut-être plus sage que dans Jusqu’à la Garde, réserve son lot de moment de tension invraisemblable, que ce soit dans l’obscurité d’un sous-sol ou dans la froideur d’une forêt canadienne. C’est d’ailleurs dans ces instants de pur genre que Legrand déploie tout son savoir-faire, créant un véritable film d’invasion – où l’envahisseur n’est pas celui que l’on croit.

Ce qui suit, ce qui reste

En creux, Le Successeur porte bien son nom : film écrasé par la figure tutélaire de l’aïeul, celui du personnage principal évidemment, source de tous ses tourments, mais aussi de façon plus indirecte celle de l’impossible mission du deuxième film, celui qui doit répondre aux attentes, confirmer un auteur, ou au contraire le saborder – et les exemples sont malheureusement nombreux. Si Le Successeur divisera, il donne en tout cas une folle envie de continuer à suivre la carrière de Xavier Legrand.

Bande-annonce

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