Sam Chemoul crève l’écran dans le nouveau film d’Arnaud Desplechin, Spectateurs !. Il y incarne, aux côtés de Louis Birman, Milo Machado Graner et Salif Cissé une version démultipliée de Paul Dédalus, le célèbre double fictionnel du réalisateur. Rencontre tout en sensibilité avec un jeune comédien hyperactif.
Salut Sam ! Tu incarnes Paul Dédalus dans Spectateurs !, le dernier film d’Arnaud Desplechin. Qu’est-ce que ça fait de reprendre ce rôle mythique ?
C’est vertigineux ! Paul Dédalus, c’est un personnage emblématique du cinéma d’auteur français, interprété par des talents incroyables comme Mathieu Amalric ou Quentin Dolmaire, donc il est déjà passé entre plusieurs mains.
Au début, j’étais un peu effrayé, mais ce qui est génial avec ce film, c’est qu’on est cinq acteurs à porter ce rôle, il est en quelque sorte décuplé… Donc on est un peu arrivé en crew !
Tu l’as dit, c’est un rôle qui a été marqué par l’interprétation de comédiens comme Mathieu Amalric, comment tu as préparé ce rôle ? Tu as revu les précédents films ?
Pas vraiment ! Arnaud Desplechin a une vision très claire et précise de ce qu’il veut. Le meilleur moyen de se préparer, c’était de l’écouter. Il nous laisse à la fois des libertés, mais en même temps, il sait exactement là où il veut qu’on aille. Et puis, il m’a fait lire La Symphonie des spectres, un des livres préférés de Paul Dédalus et d’Arnaud, ainsi que regarder certains films, comme Peggy Sue s’est mariée, que je vais voir dans une scène de Spectateurs ! avec mes deux « amoureuses ».
Comment ça se passe sur un tournage avec Arnaud Desplechin ?
La seule chose que je savais, c’est qu’Arnaud dirige dans un volume sonore très bas, c’est-à-dire qu’il y a une sorte de calme qui a besoin d’advenir sur le plateau pour que la magie opère, comme un chemin qui s’ouvre, une façon de raccourcir le chemin entre le cœur et la bouche.
Spectateurs ! parle du rapport intime qu’on entretient avec le cinéma. Et toi, c’est quoi ton lien avec les salles obscures ?
Pour moi, le cinéma, c’est un refuge. J’aime ce moment où l’on n’est plus joignable, où l’on se déconnecte du quotidien. C’est un espace de créativité et de rêve, un des derniers préservés. Et c’est drôle parce que selon le film que l’on va voir, les gens sont très différents et ont d’autres attentes. Par exemple, j’adore assister aux séances du soir de films d’horreur, parce que je sais que les gens ne sont pas là pour avoir peur mais pour crier. Et la salle de cinéma se transforme en un train fantôme ! Et au même titre que j’adore aller aux séances du matin où il n’y a vraiment pas beaucoup de monde, et on peut être seul. Et il y a les avant-premières où on est là à la fois pour regarder le film et pour célébrer les gens qui l’ont fait.
Spectateurs ! accorde une part large à des thématiques difficiles comme la Shoah. Comment as-tu reçu cette partie du film ?
À la lecture du scénario, on ne réalisait pas encore l’importance de cet aspect. Mais en découvrant le film à Cannes, avec Salomé Rose Stein, ma partenaire de jeu, on a beaucoup pleuré. Le cinéma a ce pouvoir de montrer ce qu’on n’ose pas toujours dire. Dans ce film, il n’y a pas que de la fiction et même dans la fiction, c’est intéressant de voir comment Arnaud arrive à raconter le monde.
Si tu devais résumer Spectateurs !, qui est tout en sentiments, avec tes propres émotions ?
Ce serait une réplique du film. C’est vraiment ce que j’ai ressenti sur le tournage. Il y a un moment où mon personnage dit qu’il va voir les films trois fois :
Et honnêtement, si j’avais pu faire le tournage trois fois, ça aurait été un peu ma ligne directrice. Là j’étais vraiment dans la découverte et ça s’est terminé par l’admiration. Et je pense que dans quelques années, avec le recul, je serai dans l’apprentissage.
Toi qui as travaillé autant au cinéma qu’au théâtre, qu’est-ce qui distingue ces deux expériences pour toi ?
Au théâtre, tout est immédiat. On ressent l’énergie du public, même quand il est silencieux. Il y a aussi une grande liberté, car rien n’est figé, contrairement au cinéma. On peut se permettre des choses folles, et ça reste unique à chaque représentation.
Peux-tu nous parler de tes prochains projets ?
Oui ! Je joue dans une pièce intitulée Soleil au Théâtre de la Tempête, une adaptation des nouvelles de Raymond Carver. Et je vais prochainement tourner un court-métrage que j’ai écrit, un essai sur la tendresse qui se passe dans un salon d’épilation dans le Nord-Pas-de-Calais.
Enfin, quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui veut se lancer comme comédien ?
Créez, tout le temps, sur tous les supports possibles. Et surtout, n’ayez pas peur de vos idées, même les plus folles. Parfois, les choses qu’on juge « clichées » ou « trop enfantines » sont justement celles qui ont le plus de valeur.
Bref, écoutez votre enfant intérieur et donnez-lui les armes pour s’exprimer.