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« Le président est mort » : Le documentaire sur le skate à Brest qui va vous rendre un brin nostalgique

À l’occasion de la sortie du documentaire monochrome de 57 minutes Le Président est mort ! d’Evan Lunven, tourné à Brest sur le skate, découvrez l’interview de ce jeune réalisateur autodidacte et passionné. Ce documentaire dépeint la vie d’un jeune artiste inspiré par son quotidien, porté par la fratie du skate et vit sans temps mort.

Le Président est mort ! un documentaire sur la rénovation du skatepark Kennedy

Dans son documentaire Le Président est mort !, Evan Lunven raconte l’histoire de Kenned, le skatepark « tout pourri » du Square Kennedy de Brest, celui dans lequel il a grandi comme des milliers d’ados à Brest et aux alentours. En 2019 les travaux commencent, la ville a enfin décidé de le rénover.

Pris par la mélancolie Evan Lunven raconte « 10 ans à y venir tous les jours et paf, plus rien. Disons que c’est pas tant la qualité du skatepark ou quoi à laquelle je m’étais attaché, mais plutôt l’ambiance qui y règne, avec le skate, mes potes, et tout le bordel qui peut prendre place à chaque moment dans ce jardin bizarre en plein centre ville, là où ados, alcoolos et dealos cohabitent. Mais ce qui m’y amenait moi c’est le skate, mon premier amour. (…) Avec ça, je me suis fait des potes de tout âges, de tout azimuts et avec ce truc qui nous réunissait, le skate. (…)« 

Alors voilà, à l’aube de la destruction de notre lieu de culte, j’ai pris quelques uns de ces skaters et skateuses pour en faire la petite histoire incarnée du skate brestois, de ses débuts dans les années 80 jusqu’à la destruction de ce skatepark Kennedy, avant sa rénovation, au printemps 2019.

Evan Lunven, réalisateur du Président est mort !

Un témoignage universel

Son documentaire nous rappelle avec nostalgie l’adolescence (ou le monde des grands enfants). Comme si tous les skateparks de France étaient voués à un perpétuel recommencement. Les générations passent et s’amusent toujours de la même manière. Une vie à la bonne franquette où seuls les potes comptent. Des journées rythmées par un certain art du vivre : du chill, des expériences à la con et le skate pour ceux qui le pratiquent. Pourtant aussi futile que cela semble, ces moments forgent la vie de ces jeunes. Ils sont importants dans leur construction et leur affirmation. Des images brutes, touchantes dans lesquelles chacun de nous arrive à s’identifier, amateur de skate ou non.

Rencontre avec Evan Lunven

Salut Evan, peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Je suis Evan Lunven, j’ai 20 ans. Je suis un jeune photographe et réalisateur. Ou plutôt, jeune artiste tout court. Je n’ai pas trop l’optique de me cantonner juste à la photo et au cinéma. Donc pour résumer : jeune artiste brestois de 20 ans.

D’où vient ta passion pour l’image ?

Lorsque j’ai commencé à faire des photos, c’était très spontané. J’avais tout juste 13 ans. Mon parcours est complètement autodidacte. Ma mère ne pouvait pas me payer d’appareil photo numérique à l’époque, j’ai alors pris son vieil argentique. Elle ne pouvait me payer que trois pellicules par mois mais ça me permettais déjà de prendre des clichés. Je prenais en photo mon quotidien de petit skater. Dès que je voyais quelque chose dans la rue je le prenais. C’était toujours très spontané.

Comment as-tu commencé à filmer et monter tes projets ?

Petit à petit, j’ai commencé à m’intéresser à la réalisation de film et de vidéo. Je shootais beaucoup le skate et ce n’était pas tant les figures qui me stimulais, c’était plutôt de raconter une histoire. Par la suite, je me suis intéressé au Super 8. J’en fais vraiment occasionnellement parce que ça coute quand même super cher. J’ai commencé à écrire mon premier court métrage quand j’avais 16 ans. Il est sorti deux ans après, (parce que je suis très lent), j’avais alors 18 ans.

Autoportrait d’Evan Lunven

Pourquoi avoir choisi la voix autodidacte ?

Après le BAC, j’ai fait un mois de BTS audiovisuel à Bordeaux mais c’était des études de production. C’était la seule filière où j’avais été pris. Et réalité, je me suis rendu compte que ce n’était pas pour moi. Ça n’avait pas de sens que je sois là. Je n’avais même pas trouvé d’alternance. Je n’aurais pas pu payer l’école. Aujourd’hui, je suis autodidacte depuis depuis 2 ans par choix. J’essaie d’apprendre à faire des films, faire des photos, développer mes pellicules… Je commence à toucher un peu à la musique aussi.

J’ai fait un tout petit peu d’édition avec les Editions Autonomes. En gros c’est une maison d’édition brestoise, on a collaboré avec pour faire un fanzine qui s’appelle Kenned dans lequel on a regroupé à plusieurs artistes, skaters et nos photos prises jusqu’à la destruction du skatepark.

Extrait du fanzine intitulé Kenned par les Editions Autonomes

Kenned c’est comme ça que les brestois appellent le skatepark de la ville situé dans le Jardin Kennedy. On peut affirmer que t’es hyper inspiré par ce lieu. Le titre de ton documentaire Le Président est mort, lui fait-il hommage ?

D’un point de vue de mon inspiration, on peut dire cela. Mais généralement dans mes travaux habituels ce n’est pas forcément le skate qui ressort le plus.

Là, dans mon documentaire j’ai mis en avant le skatepark car j’y allais depuis mes 10 ans. J’y allais quasiment tous les jours c’était ma deuxième maison.

Du coup le fait qu’il soit détruit (d’où Le Président est mort !) même si le but était de le reconstruire, ça m’a beaucoup marqué. C’était plus ou moins un passage dans ma vie. Moi, j’ai commencé le skate quand j’étais tout petit. Mais il y’a des skaters plus âgés, comme tu as pu voir dans le documentaire, qui étaient là avant le skatepark…

Evan Lunven et ses camarades de skate
Photo par Yann Quenez, son ami

L’idée, avec ce documentaire, c’était un peu de retracer toute l’histoire du skate à Brest, mais pas que, je voulais quelque chose d’assez universel.

En plus de l’histoire du skate, le film pour moi il traite deux sujets. Dans un premier temps, il y a inévitablement celui du skatepark qui a donné lieu au documentaire et dans un second temps, il y a l’idée de montrer une similitude entre les témoignages de tout le monde. Je voulais montrer l’unité qu’il y a parmi les skaters et la manière dont le skate les affectent, en l’occurence la dé-construction du skatepark Kennedy.

Evan Lunven au skatepark Kennedy durant la dé-construction
Photo par Mathilde Cormier, son amie

Le skate c’est quelque chose qui nous permet de nous émanciper un petit peu. Donc l’idée c’était de raconter le skate brestois sous mon oeil mais aussi sous celui des autres. Je voulais les témoignages de tout le monde : les skaters, skateuses et toute la génération confondue. Dans le documentaire, tu découvres que pour certains c’était vraiment un cap à passer. Et pour d’autres c’était une continuité. Je ne voulais pas seulement montrer « des jeunes faire de la planche à roulettes ».

Ma volonté était de mettre en lumière la manière dont le skate nous permet de nous exprimer, de s’émanciper, de s’affirmer, de se singulariser.

Les personnes qui sont présentes dans ce documentaire ont toutes quelque chose en commun avec moi. C’est une histoire personnelle.

Evan Lunven, son skate et une bombe de peinture à la main
Photo par Yann Quenez, son ami

En tant que cadreur de ton propre film, à quel moment tu décides de capturer une scène ? À quel instant tu te dis « ça c’est cool je vais le filmer«  ?

Je connaissais très bien les protagonistes de mon histoire. J’arrivais à anticiper leur réaction avant que je ne dégaine ma caméra. Lorsque je choisissais les sessions de tournage, je me disais toujours « bon là j’y vais pour filmer, pas pour skater« . Je venais simplement avec mon skate et je les suivais avec mon appareil et puis après je n’hésitais pas à leur poser des questions.

J’ai réalisé ce documentaire à la première personne. C’est à dire que j’ai filmé en ayant à l’esprit que ma caméra était mon oeil, mon témoin.

J’imagine que le derushage a du être complexe. Comment as-tu fait pour choisir tes séquences au montage ?

Au niveau de la sélection de mes séquences, c’était ultra long. C’était un énorme travail parce que déjà il y avait toutes les sessions de skate que j’avais filmé hyper spontanément encore une fois. En plus de cela, il y avait les interviews, j’ai du forcément en couper pas mal et faire du tri pour ne garder que le meilleur.

Le skate et les potes
Photo par Evan Lunven

Tu avais déjà le scénario en tête avant de filmer ou c’est au « feeling » que tu l’as réalisé ?

Ouais, j’avais une idée vachement précise de l’ambiance que je voulais avoir. Quand j’ai fini mon film, j’étais assez étonné, je me suis rendue compte que c’était exactement l’idée que je m’en étais faite. Ça vient aussi du fait que je connaissais très bien mon sujet, j’ai fait confiance aussi à mon intuition. Je n’ai pas fait en sorte de produire quelque chose. J’ai capturé le naturel avant tout.

Donc forcément quand tu me dis « c’est exactement l’idée que je m’en étais faite« , j’ai envie de te demander : pourquoi le noir et blanc ?

Je me suis énormément remis en question par rapport à mon travail photo dernièrement, sur mon usage majoritaire de la pellicule couleur. Je me demandais si c’était pas par pure esthétique. Finalement non. Je me suis rendu compte que j’utilisais la couleur pour raconter quelque chose, je considère mes couleurs comme presque quelque chose d’à part entière.

Concernant le choix du noir et blanc pour Le Président est mort !, premièrement il y a le lieu : Brest. C’est une ville grise. Donc c’était ce qui m’a parut le plus fidèle comme représentation. Secondement, le noir et blanc met une distance avec l’image réelle. Je trouve qu’il isole de manière temporelle tout ce que tu vas filmer. Comme si tout ce que tu capturais devenait une capsule, une ambiance ou un univers dans lesquels il se passe un moment particulier. C’est la force de l’utilisation du monochrome.

Je n’ai pas envie de dire que le noir et blanc est forcément plus sincère que la couleur. Mais en l’occurence, ça m’a permis de créer l’ambiance que je souhaitais et de capturer la spontanéité sans crainte.

Enfin, je rajouterais que le noir et blanc utilisé dans ce documentaire est le même tout du long. J’ai certes corrigé quelques plans, mais j’y ai mis la même colorimétrie du début à la fin, un peu comme si j’avais filmé avec la même pellicule.

Evan Lunven et sa caméra Super 8
Photo prise par Yann Quenez, son ami

Comment ça se passe de filmer sur un skate ? Ça laisse encore plus de place à la spontanéité et à des effets de style, n’est-ce pas ? Avec quoi tu filmes ?

Je filme directement à la main car je n’aime pas le mouvement que donne le stabilisateur, même si il parait que ça rend l’image plus « propre ». J’avais envie de me rapprocher au plus près de l’image d’une vieille caméra Bolex ou 16mm (et donc sans stabilisateur). J’aurais adoré travailler à la pellicule mais par faute de moyen j’ai filmé avec mon appareil photo reflex, tout simplement. Il corrige automatiquement par algorithme ce que je filme, sans pouvoir réellement le maitriser. J’ai donc choisi volontairement, dès lors que j’y pensais, de désactiver les corrections automatiques.

Et as-tu d’autres projets en cours ?

Yes, j’en ai trois ! On a tourné un court métrage avec Glenn Klapper, Emma Spinosi et moi-même qui s’appelle Le Houmous, qui parle d’amour et de houmous, que je monte actuellement.

L’éternité avec Malo Jean-Albert, un court métrage dont on a commencé le tournage. Malheureusement on s’est fait coupé l’herbe sous le pied par le confinement lié au Covid-19. On devrait reprendre quand ce sera fini, j’espère !

Et puis je fais un film en Super 8 toute l’année de mes 20 ans, avec un projet de projection-musique-narration en live, c’est encore en stade de recherche…

Photo en tête d’article : crédit photo Steven Dreux

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