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Déborah François, actrice complète et réalisatrice en devenir

De la Palme d’Or en 2005 pour «L’Enfant» des frères Dardenne à son rôle de Jury de l’Œil d’Or en 2021, Déborah François vit depuis 16 ans une carrière ponctuée d’expériences intenses de cinéma et de rencontres humaines qui font d’elle une actrice complète et une réalisatrice en devenir animée par le besoin de sensibiliser sur des sujets qui lui tiennent à cœur, l’écologie, les violences intra-familiales et l’enfermement.

C’est qui ou plutôt c’est quoi Déborah François ?

Déborah François naît au printemps 87 près de Liège en Belgique, elle est actrice et débute en 2005 alors âgée de 16 ans avec un film saisissant des frères Dardenne “L’Enfant” au sein duquel elle incarne Sonia aux côtés de Jérémie Rénier alors qu’elle n’a encore jamais joué. L’année suivante, elle incarne aux côtés de Catherine Frot “La tourneuse de pages” sous l’oeil de Denis Decourt. Puis en 2009 elle recoit le César du Meilleur Espoir Féminin pour le film de Remi Bezançon “Le premier jour du reste de ta vie”.

En 2010 son rôle d’étudiante-prostituée dans “Mes chères études” d’Emmanuelle Bercot marque toute une génération. L’année qui suit elle interprête Valerio ou plutôt Mathilde un frère moine qui se révèle être une femme aux dons sataniques et donne la réplique à Vincent Cassel dans “Le Moine” de Dominik Moll. Elle obtient un premier rôle au cinéma la même année dans “Les tribulations d’une caissière” de Pierre Rambaldi, rôle qui lui vaut le Prix d’interprétation féminine au Festival de Sarlat, ainsi qu’une nomination aux Magritte du cinéma de la meilleure actrice. Par la suite Déborah tournera avec Romain Duris dans la comédie d’époque “Populaire” de Régis Roinsard, dans “C’est pas de l’amour” de Jérôme Cornuau un film qui traite des violences conjugales, dans “Maestro” de Léa Fazer aux côtés de Pio Marmai et Michael Lonsdale.

En 2016, elle joue la jeune journaliste dont s’éprend le héros de la comédie familiale “Ma famille t’adore déjà !” de Jérôme Commandeur, puis elle prête ses traits à Hortense Fiquet, l’épouse de Paul Cézanne, dans le biopic “Cézanne et moi” de Danièle Thompson. Enfin, elle reste dans le cinéma d’auteur français en étant la tête d’affiche du thriller psychologique “Fleur de tonnerre”, co-écrit et réalisé par Stéphanie Pillonca-Kervern.

En 2021, trois films pour la télévision, une fiction espagnole pour Netflix, et une mini-série en préparation, rien que ça !

Déborah François est jury de l’Œil d’Or, alors pour commencer l’Œil d’Or qu’est-ce que c’est ?

A l’issue du 74ème Festival de Cannes, qui a eu lieu du 6 au 17 juillet sous la présidence de Spike Lee, le jury de l’Œil d’Or a remis un prix doté de 5 000 euros au meilleur documentaire présenté sur la Croisette. Le choix se fera à travers toutes les sections cannoises : Quinzaine des Réalisateurs, Semaine de la Critique, Sélection officielle (Compétition et Hors compétition), Un Certain Regard, mais aussi Séances de Minuit, Séances Spéciales, Courts métrages, et Cannes Classics.

Cette année, le jury de ce prix créé en 2015 par la SCAM (Société civile des Auteurs Multimédia) sera composé du réalisateur américain Ezra Edelman (“O.J.: Made in America” en 2016) en tant que président, entouré de la réalisatrice Julie Bertuccelli (“Dernières nouvelles du cosmos”), la comédienne Déborah François, la journaliste et critique Iris Brey (son interview tournée lors du confinement est à retrouver ci-dessous), et du directeur artistique Orwa Nyrabia. (Source : CNC)

Nous sommes à la veille de la délibération du jury de l’Œil d’Or (à la fin de l’article vous pourrez retrouver le nom des lauréats) soit à la mi-juillet pour cette édition toute particulière du Festival de Cannes, nichées sur une terrasse comme hors du temps avec comme seule compagnie les mouettes rieuses. 

Être jury cette année, comme Déborah nous l’explique en off, c’est visionner 29 documentaires en 11 jours exclusivement en salle pour être dans les conditions optimales de visionnage mais aussi pour le respect du travail des artistes – à la fois avec des spectateurs mais aussi en séance privée lorsque le temps leur manque.

Qu’est-ce que ça représente pour vous de faire partie du jury de l’Œil d’Or ?

Déborah François : C’est un immense honneur de pouvoir aller au Festival de Cannes et de pouvoir découvrir ces films-là qui sont des exclusivités. C’est un honneur aussi que la SCAM (ndlr. la Société Civile des Auteurs Multimédia) me fasse confiance, d’autant qu’il n’y a chaque année qu’une seule comédienne ou comédien par jury de l’Œil d’Or, c’est assez dingue ! Alors, quand on me l’a proposé je me suis dit que c’était une super occasion de voir des films que je verrais nulle part ailleurs.

Est-ce que parmi les films que vous avez déjà visionnés, il y en a un ou plusieurs qui vous ont particulièrement bouleversé ?

Oui bien sûr. Pour vous expliquer comment cela fonctionne : nous faisons plusieurs délibérations au cours de la semaine car il serait difficile que de débattre à l’issue du visionnage des 29 films – il nous faudrait une nuit ! On délibère alors 4 fois au cours du festival, on essaie tous les 7 ou 8 films de faire un point sur ce qui nous a le plus plu afin d’obtenir une short-list disons. Un ou deux films se démarquent plutôt naturellement, ce sont des délibérations relativement claires, on a ainsi une pré-sélection sur laquelle on travaillera lors de l’ultime délibération.

Comment se déroule la cohabitation avec les autres jurés ?

Ça se passe hyper bien, ils sont très différents les uns des autres, forcément par leur travail, Orwa est le directeur du plus grand festival de documentaires, le Cannes du documentaire à Amsterdam, Iris est critique, elle a un œil pointu et une vision différente et très intéressante, notre président Ezra est réalisateur de documentaire oscarisé pour son documentaire, il regarde alors la sélection sous un autre prisme, et Julie est réalisatrice elle aussi de documentaire et de fiction, elle apporte avec justesse un regard tout à fait singulier. Je trouve passionnant de les rencontrer – alors que j’aurai pu croiser Julie et Iris, Orwa et Ezra sont d’un autre monde. D’avoir la possibilité de vivre une expérience comme celle-ci me ravit.

Rencontrer des gens et visionner des films du monde entier est bouleversant

C’est aussi ça Cannes, on rencontre des gens qui ne viennent pas du même pays, c’est le plus grand festival de cinéma du monde, on rencontre alors des gens qui viennent du monde entier, on juge chacun avec notre œil, avec notre personnalité, avec notre histoire mais aussi avec notre bagage culturel et notre métier, alors ça fait des points de vue qui sont hyper différents. On a eu des cas où certains ont adoré des films et d’autres ont détesté, alors on se confronte.

Comment se font vos choix de films à inscrire dans cette short-list ?

Je suis l’interprète de la bande entre guillemets, je choisis selon ce qui me touche, je suis sensible à l’être humain, je m’attarde sur la forme évidement et je me demande s’il y a une proposition de cinéma forte, quelque chose de nouveau et à quel point le film me touche. Je suis constamment dans les émotions alors il faut que le film me touche à cet endroit-là.

Est-ce le cas des autres jurés ?

Nous sommes tous très humains. Nous sommes alors tous relativement guidés par nos émotions – à savoir si un film nous prend aux tripes ou non. Je pense à Orwa qui est directeur d’un festival de documentaires et qui voit 100 docu par an, au sein de la sélection certains thèmes abordés me paraissent à moi nouveaux mais ne le sont pas pour lui, lors des débats Orwa nous en parle et je me note les références afin que je les visionne à mon retour de Cannes.

Avant l’Œil d’Or quel était votre rapport au documentaire ?

J’adore le documentaire ! Je crois que je vois autant de documentaires que de fictions. La SCAM ne le savait pas lorsqu’ils m’ont choisi comme jury, je leur ai dit « Vous êtes vraiment tombés sur la bonne personne, vous le saviez que j’adorerais ça ? », ils l’ignoraient.

Savez-vous d’où cela vous vient ?

Je crois qu’il y a quelque chose qui me touche particulièrement dans le fait que ce soit réel, les fictions basées sur les histoires vraies j’adore ça aussi, je crois qu’il va être plus facile pour moi de regarder un mauvais documentaire qu’une mauvaise fiction, car un mauvais documentaire tient à une mauvaise réalisation mais jamais à un mauvais sujet car le sujet relève que de la réalité, après on peut mal choisir son sujet ou son angle. Je suis absolument fascinée par les documentaires, lorsqu’on pose une caméra devant du vivant il y a quelque chose qui se passe d’assez magique.

Est-ce que vous aimeriez faire un documentaire ? Ya-t-il un sujet en particulier ?

L’enfermement, toutes les formes d’enfermement, la prison, les sectes, l’autisme, l’emprise psychologique… C’est toujours une psychanalyse de faire des films, il y a quelque chose qui nous ramène profondément soi, à la lumière vers laquelle on veut aller ou aux zones d’ombres qui existent en nous suite à des choses que l’on a vécues. Je trouve fascinante l’emprise psychologique que l’on peut avoir sur quelqu’un ou que quelqu’un peut exercer sur soi et à quel point ça peut détourner la psyché de l’autre et ce qui se rapporte à mon engagement contre les violences intra-familiales et l’emprise qu’un homme violent peut avoir sur sa famille, sur sa femme, sur ses enfants, ça me touche. La cellule familiale est un sujet sacralisé dans nos sociétés, dans laquelle on ne se permet pas d’aller voir, c’est problématique parce que ça perpétue les violences.

Comment le cinéma et notamment le documentaire peuvent-ils faire bouger les lignes ?

Le cinéma éveille les consciences

Il y a quelque chose dans le documentaire de cru, on ne peut rien cacher, les faits sont là, on filme le réel, ce témoignage est très important et peut-être cela donnera envie d’agir ou en tous cas changer leur vision des choses, parce qu’il est vrai qu’on peut avoir des aprioris sur plein de sujets, quand on le voit en face de soi, tout d’un coup la prise de conscience est directe. Je pense à la sélection de films autour de l’écologie, il y a des films durs et très inspirants à la fois. Certains films de cette section devraient être montrés dans les écoles. Je crois que c’est important que les jeunes les voient, d’autant que c’est un genre qui parle à la nouvelle génération, et ce de plus en plus, ce qui est très rassurant. La jeunesse est en prise au monde, au premier degré, c’est le truc de l’adolescence, d’être à vif, d’être touché par les choses.

Je crois que le documentaire a un rôle à jouer auprès des jeunes, les intéresser, les inspirer, les informer, de créer une jeunesse de demain qui soit plus au fait que nous et qui ait la chance d’évoluer plus vite

Auriez-vous des conseils à donner à une jeune actrice ?

De ne pas trop écouter les avis, de se rappeler de cette phrase : « Ce que l’autre pense de moi ne me regarde pas », ça ne regarde que lui, croyez en vos rêves, parce que je suis une petite fille de Liège qui rêvait en regardant Cannes à la télé et puis j’ai fini sur ce tapis rouge et grâce à une palme d’or j’y suis encore 16 ans plus tard, il ne faut vraiment pas se décourager, rien n’est impossible, il faut partir de soi, il y a des moments de découragement mais ce qui compte ce n’est pas combien de fois on tombe mais combien de fois on se relève.

La petite fille en vous est-elle rassurée à présent ?

Elle ne le sera jamais complètement mais je crois que c’est important, parce que pour tous les êtres humains, il est important ce doute, la chose qui me fait le plus peur au monde c’est les gens qui ne doutent pas, c’est dangereux. Il faut douter des choses saines, ne pas douter de ses objectifs ou du fait qu’on y arrivera mais se poser les questions « Est-ce que je peux faire mieux, est-ce que je peux faire différemment ? ».

Avez-vous en tête des femmes qui vous ont inspirées ?

Je pense à Meryl Streep, Charlotte Rampling, Isabelle Huppert, Julia Ducournau, je suis rassurée qu’il y ait de plus en plus de réalisatrices, d’autrices, de décideuses, c’est très encourageant. Je pense aussi bien sûr à Agnès Varda, Reese Witherspoon qui est une grande actrice et une immense productrice, Sandra Bullock enfin. Ces femmes ouvrent le chemin.

Quel est votre programme des mois à venir ?

Je vais écrire, j’ai peur mais quand j’ai peur je saute les yeux fermés, je suis incapable de faire les choses à moitié.

Il ne faut pas se laisser paralyser par la peur alors fermez les yeux et sautez, faites-vous confiance, sinon on en bouge jamais, la peur est géniale, il faut l’acceillir, il faut se dire regarde tu as eu très peur pendant quelques minutes, maintenant, fais !

L’Œil d’Or 2021 : « A night of knowing nothing » de Payal Kapadia

Inde – 1h37 – QUINZAINE DES RÉALISATEURS

Production Petit Chaos

Une étudiante indienne écrit des lettres à son amoureux absent. A travers cette correspondance se révèlent les changements radicaux qui s’opèrent autour d’elle.

Le mot du jury : « Nous avons tous été séduits par un film à la vision artistique soutenue, qui mêle le personnel et le politique de manière hypnotique. Pour un premier film, cela le rend encore plus étonnant. »

PRIX SPÉCIAL DU JURY DE L’ŒIL D’OR : « Babi Yar. Context » de Sergeï Loznitsa

France, Chili 1h25 – SÉLECTION OFFICIELLE – SÉANCES SPÉCIALES

A base d’images d’archives, le film reconstruit les événements qui ont conduit au massacre de 33 771 juifs dans la ville de Kiev sous l’occupation allemande en septembre 1941.

Le mot du jury : « Un film au montage magistral et à un réalisateur qui a méticuleusement tissé une partie perdue de l’histoire dans le continuum de notre mémoire colective. »

Un grand merci à Florence Narozny et à Mathis Elion d’avoir permis cette rencontre d’exception, Le Bureau de Florence a également rendu possible notre rencontre avec le réalisateur Tony Gatlif qui présentait au Cinéma sur la plage de Cannes “Tom Medina”.

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