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Lion d’Or : Rencontre avec Laura Poitras, réalisatrice de Toute la beauté et le sang versé

Nommé aux Oscars 2023 pour le Meilleur documentaire et lauréat à la Mostra de Venise 2022, Toute la beauté et le sang versé raconte le combat de la célèbre photographe Nan Goldin face aux opioïdes. Pour en parler, nous avons rencontré Laura Poitras, la réalisatrice de ce documentaire poignant.

Votre documentaire Toute la beauté et le sang versé est au cinéma depuis le 15 mars en France. Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez remporté le Lion d’Or, la plus haute distinction de la Mostra de Venise 2022 ?

Ce Lion d’Or est un véritable événement dans la mesure où les documentaires ne sont généralement pas sélectionnés en compétition officielle. J’ai été très touchée par cette reconnaissance. Elle signifie que le documentaire c’est aussi du cinéma parce qu’il y a un vrai travail scénaristique.

En 2022, Laura Poitras reçoit le Lion d’Or à La Mostra de Venise pour Toute la beauté et le sang versé.
Racontez-nous le point d’ancrage de votre nouveau documentaire ? Pourquoi avez-vous choisi de raconter le combat de Nan Goldin ?

À travers son militantisme, Nan Goldin se montre très courageuse. Elle s’attaque à l’une des familles les plus puissantes des États-Unis c’est-à-dire les Sackler. Ils sont à la tête de l’industrie pharmaceutique de l’OxyContin, un antalgique.

La famille Sackler est très riche et possède d’immenses ressources qui pourraient nuire à la vie de cette activiste. Pourtant, elle continue de lutter face à ce risque.

En quoi l’OxyContin est un danger ?

L’OxyContin est parfois prescrit pour des blessures anodines comme une simple tendinite. C’est l’un des antidouleurs les plus répandus aux États-Unis mais malheureusement il développe une addiction très sévère chez certains patients. C’est le cas de Nan Goldin et de milliers d’américains.

Le documentaire « Toute la beauté et le sang versé » met en lumière les actions de Nan Golding contre l’industrie pharmaceutique, dont ce happening devant le musée du Louvre.
Lors de votre tournage, qu’est-ce qui vous a le plus révolté ?

Le fait qu’une entreprise ait su tirer profit de ce médicament. Elle en faisait la promotion auprès de médecins en indiquant qu’il n’était pas addictif, alors qu’elle le savait. C’est vraiment la face la plus sombre de l’Amérique.

J’ai été scandalisée d’apprendre que la famille Sackler payait des pots de vin aux médecins. De façon complètement consciente, elle les encourageait à prescrire ce médicament. C’est la dimension la plus terrible de ce phénomène.

Avec son succès médiatique, est-ce que le documentaire a su faire bouger les lignes de la loi aux États-Unis et ailleurs ?

Malheureusement non. À ce jour, il n’y a eu aucune conséquence sur la vie des Sackler. Ils ont même réussi à s’acheter une immunité grâce à un accord de faillite. De cette façon là, ils tentent d’échapper au droit pénal.

En 2015, Laura Poitras reçoit l’Oscar du Meilleur documentaire pour Citizen Four.
Pourtant, votre cinéma a déjà eu un impact. En 2015, vous avez remporté l’Oscar du Meilleur documentaire pour Citizen Four, n’a-t-il pas contribué au fait que votre sujet ne soit pas allé en prison ?

D’une certaine manière, si ! Au delà de la récompense, le plus important pour moi c’est la confiance que les gens placent en moi et la responsabilité qu’ils me donnent.

Finalement, le plus essentiel c’était qu’Edward Snowden, lanceur d’alerte, ne se retrouve pas derrière les barreaux. Je sais d’ailleurs que mon film Citizen Four nous protège tous.

Pour quelles raisons faites-vous du cinéma ? C’est par amour de l’image ou pour sa potentielle résonance politique ?

Je fais d’abord du cinéma pour « faire du cinéma » mais aussi pour avoir un impact. C’est évident.

Les ingrédients du cinéma tels qu’ils m’intéressent c’est d’abord de créer un lien affectif et émotionnel mais surtout de déclencher une réflexion chez le spectateur.

Photographies prises par Nan Goldin.
Pour terminer, j’aimerais mettre en lumière, par vos mots, l’art de Nan Goldin. Pour ceux qui na la connaisse pas, en quoi est-elle est une grande photographe et source d’inspiration pour le 7ème art ?

C’est une artiste, femme et révolutionnaire. Elle a révolutionné non pas la photographie mais aussi cet objet qui lui est propre qui sont ses diaporamas. Ils se basent sur sa propre vie, sa personne, sa vie intime mais aussi le travail qu’elle fait avec la musique. C’est quelque chose de très cinématographique. Il y a une véritable mise en scène. Elle possède une sorte de « cinégénie ».

Tous les chefs opérateurs au cinéma vous attesteront qu’ils s’inspirent des oeuvres de Nan Goldin.

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