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Weston Razooli : rencontre parisienne avec le réalisateur de « Riddle of Fire »

Nous étions déjà tombées en amour pour Riddle of Fire, le film réalisé par Weston Razooli et présenté à Cannes l’année dernière à la Quinzaine et en lice pour la Caméra d’Or.

À l’occasion de sa sortie en salle en France, nous avons eu le plaisir de nous attabler avec Weston Razooli. Sur le coin d’une table de bistrot, Weston vide son sac. Littéralement. 

Et c’est entre quelques olives, un carnet de croquis, et une mascotte miniature, que Weston nous livre les détails de la naissance de son film…

Un entretien mené par Lauranne Rivière
et photographié par Léa Ghirardotti pour Road to Cinema

Nous avons adoré votre film. Vraiment. 

Merci, merci beaucoup.

C’est un film qui fait du bien, qui fait rire, qui surprend et qui stimule la créativité ! 

Et en même temps, des éléments difficiles parcourent ce film brillamment construit comme un conte de fées moderne. 

À l’écran, c’est ludique, mais en sous-texte, ce sont des choses terribles qui émergent. 

Il y a notamment cette forme de violence latente des adultes envers les enfants : un enfant finit ligoté, ils subissent parfois une pression psychologique. 

La mère de Petal est cheffe de secte, personne n’a de père à la maison, la mère de la princesse est malade, etc. 

Quand on fait le total, ce n’est pas si joyeux… Cela nous a profondément émues de voir les enfants mettre tant d’efforts à réinventer une vie qui sans leur folie douce serait très terne.

Donc, notre première question, la voici : 

Est-ce un film qui traite d’un sujet plus sérieux qu’il n’y paraît ? Un film qui offre dans son contenu, mais aussi, et de manière très cohérente et intelligente, dans sa mise en forme créative, une solution à la douleur ? Une solution qui serait l’art, l’inventivité, et l’amitié ?

Eh bien, tout d’abord, merci pour la question. C’est une très bonne question. 

Oui, parce que vous avez raison. C’est un film d’aventure très amusant, un film de cape et d’épée. Mais c’est aussi un film qui s’attaque à des sujets très sombres. 

Notamment la situation de Petal avec sa mère. Je ne pense pas que cette situation, la secte, ait été portée à l’écran du point de vue d’une enfant innocente.

Et vous touchez juste… une de mes motivations principales à faire ce film, c’était de permettre à ces enfants, qui grandissent dans des contextes familiaux difficiles, au sein de dynamiques complexes, de vivre l’émerveillement, la magie de l’enfance et de l’amitié.

Je voulais montrer qu’à travers le regard d’un enfant, on peut toujours trouver du bonheur, de l’optimisme, de l’espoir et de l’amour, même coincés dans les situations les plus sombres. L’amitié est généralement la clé.

L’amitié et aussi l’art, non ? Parce que dans votre film, tout est question de créativité. 

Celle des enfants, mais aussi celle de l’aspect formel de votre film. La photographie est très réfléchie, la mise en scène particulièrement dense. D’ailleurs les jouets des enfants et de nombreux autres objets semblent être homemade.

Pour nous, au-delà du scenario, la forme du film participe vraiment à démontrer comment l’art et la créativité peuvent donner une clef pour s’échapper d’un contexte sombre. Cette atmosphère, teintée de merveilleux nous permet nous aussi, qui regardons le film, de nous échapper de la réalité avec eux.

Oui, tout à fait. 

Je voulais que ce soit une expérience pour le public aussi. Je voulais que l’atmosphère attire le public, et l’immerge dans un monde décalé, à travers le regard d’une bande d’enfants qui s’amusent. 

Ce n’est pas nécessairement une aventure effrayante. C’est une belle aventure à laquelle on aimerait tous et toutes participer !

Certaines caractéristiques m’ont fait penser à l’esthétique des années 70 : l’omniprésence des tons pastel, la prédominance formes organiques, cela faisait-il partie de vos influences esthétiques ?

Oui, tout à fait, les tons pastel je les ai choisis parce qu’ils ont, ce plus, ce quelque chose de particulièrement chaleureux et attrayant. 

Et, comme nous le disions, je voulais créer un monde dans lequel on voudrait vraiment se plonger. Un monde dans lequel, en tant qu’enfant, vous voudriez être, et en tant qu’adulte aussi. Vous savez…à l’abri des montagnes, allongé sur un flanc de colline, on regarde les nuages, etc. 

Et je pense que ces couleurs et teintes pastel ont vraiment aidé à construire cette ambiance chaleureuse et à inviter le public à plonger dans le film.

Comment avez-vous travaillé avec votre équipe pour créer l’ambiance féérique et homemade du film ?

J’ai travaillé avec Jake L. Mitchell, le directeur de la photographie, et une excellente cheffe décoratrice, Meg Cabell. Elle vient de l’Utah. Nous sommes devenus très proches depuis. Avec Meg on en parlait, on discutait longuement, puis on allait visiter des lieux, et on a passé pas mal de temps à regarder des animaux empaillés aussi…

J’ai compilé mes dessins, mes croquis et généralement, on travaillait à partir de mes esquisses. Typiquement, je faisais une esquisse rapide, par exemple du poulailler et elle, elle regardait, elle comprenait, et elle allait dans les bois couper de quoi, littéralement, construire elle-même le poulailler. C’était vraiment cool.

En fait, beaucoup des accessoires ont été fabriqués à la main. Certains, comme la console du jeu vidéo ont été imprimé en 3D. Les fusils, on les a choisis déjà faits, mais nous les avons personnalisés, nous avons fabriqué et ajouté les sangles, on y a mis des munitions, etc. 

Vous savez, même les applications qu’ils utilisent sur leurs téléphones, c’est moi-même qui les ai créées.

Les enfants vous ont aidé à fabriquer les objets ?

Non, mais ils ont fait quelques dessins ! Mais non, pas de construction à proprement parler, ç’aurait été vraiment cool, ceci dit.

On peut imaginer que travailler avec des enfants est très différent de travailler avec des adultes. Quelle force pensez-vous qu’un acteur ou une actrice enfant peut insuffler à un film ? Les enfants apportent-ils avec eux leur fougue, leur fantaisie ?

C’est vraiment amusant de travailler avec eux : ils sont tellement drôles. 

Ils sont passionnés par tout. Ils adorent tout, et ils veulent tellement bien faire les choses. 

Et les faire à 100 % : ils veulent courir vite, ils veulent danser comme jamais. 

Ils ne se retiennent pas comme des adultes, c’est fou à expérimenter.

Diriger et filmer des enfants, quelles différences cela a-t-il impliquées dans votre processus de réalisation ? Comment adaptez-vous votre style de direction pour obtenir les performances souhaitées de la part des enfants ?

Parfois, la plus grande, Phoebe, craignait de ne pas être à la hauteur. Alors je devais la rassurer et l’encourager. Mais les autres, ils y vont, sans crainte, ils foncent sans s’arrêter.

Ils reçoivent et interprètent parfaitement des instructions minimalistes, très directes.

Avec un acteur adulte, c’est différent. Il faut lui donner des indications précises, il faut construire, élaborer comme un labyrinthe de prises pour arriver à l’exacte intention, la bonne prise. 

Alors qu’avec les enfants, il suffit de leur montrer, ou juste de dire « plus vite » et ils font plus vite, « plus grand », et ils font plus grand, et en plus ils adorent ça. 

C’était vraiment amusant. J’adore les deux, diriger les enfants, mais aussi les adultes.

Comment votre propre expérience personnelle influence-t-elle votre travail de réalisateur ? Le film est-il inspiré de votre propre enfance ?

Oui, très certainement.

J’ai même tourné dans ma ville natale, celle où j’ai grandi. 

Moi aussi, j’ai grandi en faisant du dirt bike, en jouant au paintball avec des amis, en courant dans les montagnes. L’épicerie, c’est l’épicerie de mon enfance. C’est une version très différente de ma propre enfance, je suppose, c’est fictif, mais oui, c’est définitivement lié à mes souvenirs.

Je me demandais comment vous aviez construit vos personnages, car ils sont très liés aux contes de fées : cette mère souffrante, qui souffre peut-être plus que d’un simple rhume, ça serait la princesse, Petal serait la fée, vous avez aussi un ogre contemporain, vous avez une sorcière, etc.

Comment avez-vous décidé des rôles de chacun à l’écriture ? Ont-ils été imaginés comme des personnages de conte de fées ? Ok, il me faut une sorcière, ça c’est coché, une princesse ? ça sera toi, etc

Oui, c‘est exactement ça ! 

Je voulais créer les archétypes. 

La sorcière, le chasseur, le fantôme, la fée, etc. Les trois enfants sont les gobelins. 

J’ai intégré des traits de personnalité typiques dans chacun des personnages et ça semblait fonctionner naturellement. 

Donc votre idée initiale, c’est votre enfance, puis cette créativité, cette amitié, qui a le pouvoir de transformer une vie monotone en un conte de fées moderne. Et seulement après, vous avez travaillé sur vos archétypes de contes de fées ?

Oui, en fait : j’ai inventé les trois enfants en premier. Qu’on appelle les trois reptiles immortels, si on veut. 

Et je me suis dit, Ok, je veux passer une aventure de 24 heures avec eux. Ils ont leur équipement, ils ont leurs dirt bikes, ils ont leurs fusils…

…ils ont leur indépendance

Oui, ils sont très indépendants. 

J’ai pris tout ça, et ensuite, je me suis dit : qu’est-ce qui peut arriver ? 

Là j’ai écrit l’histoire en elle-même : ils vont partir à l’aventure, rencontrer ces personnages, vivre ces événements, etc.

Puis j’ai dû réduire énormément l’histoire ! 

J’ai coupé encore et encore jusqu’à obtenir cette trame simple : la tarte, pour la console, l’œuf pour la tarte. J’ai sauvegardé les éléments qui étaient les plus cohérents avec l’image d’Epinal du conte de fées, à la Hansel et Gretel en somme.

Et ça a donné Riddle of Fire.

C’est sur cette dernière référence au conte de fées que s’achève notre entretien féérique avec Weston Razooli, ce fut un plaisir, et ce sera encore un plaisir d’aller nous replonger dans cette odyssée rocambolesque…

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