En France sur 10 réalisateurs, seules 2 sont des femmes. Cet écart alarmant entre les hommes et les femmes biaisent la représentation des genres et de la diversité dans l’art. C’est pourquoi Road to Cinema met en lumière 7 superbes films français réalisés par des femmes sur des histoires de femmes, sortis il y a à peine un an. En salles en 2019 et souvent primées en 2020, ces nouvelles œuvres offrent un cinéma plus hétérogène.
Les femmes sont malheureusement moins présentes derrière la caméra
D’après une étude menée par le CNC, les femmes ne seraient que 23% a avoir réalisé des films en France. C’est à dire qu’un film sur 5 est réalisé par l’une d’entre elle. Wouaaah c’est tout ? Sans vouloir opposer les genres entre eux, ce constat amène à réfléchir sur la place des femmes dans l’industrie cinématographique. Même si les choses tendent à évoluer, elles restent néanmoins fragilisent et méritent d’être encouragées.
En quoi cela est-il important d’obtenir une parité parmi les réalisateurs ?
Car les femmes représentent 52% de la population mondiale et qu’elles sont aujourd’hui encore considérées comme une minorité dans le secteur audiovisuel. Cet écart disproportionné nous amène à penser que les œuvres cinématographiques ne reflètent pas la réalité de notre monde et le regard de ce qu’est profondément notre société.
D’accord, d’accord, pour plus de femmes à la réalisation mais peut-être qu’elles ne sont pas intéressées par le cinéma ?
Et non ! Depuis de nombreuses années, on observe une parité dans les filières universitaires liées aux études cinéphiles. Pourtant, à la sortie, elles ne sont que très peu à insérer le milieu. Il existe donc un plafond de verre dont on arrive guère à briser dans sa totalité. Si toutes fois quelques unes ont réussi à passer à travers, elles n’en restent pas épargnées par la difficulté d’obtenir un poste de création ou de direction. Ce déséquilibre s’explique par une répartition très nettement sexuée des métiers à l’intérieur même du secteur.
C’est complètement fou cette histoire… Comment explique t’on que des postes soient genrés ? Pourquoi les femmes obtiennent rarement des hauts postes ?
Par exemple, alors que les hommes sont plus nombreux en réalisation, on retrouve les femmes dans les métiers traditionnellement féminins comme celui de scripte ou de monteuse. Ces métiers ne font pas appel à la force physique. Au temps jadis, le matériel de tournage était très lourd et laborieux à porter, assimilés à tord à des attributs masculins, les femmes se sont retrouvés à l’écart de la caméra. Une époque qui laisse encore de traumatisantes séquelles puisque les femmes continuent à s’autocensurer, marquées par ces injonctions.
Oui, oui… Bon maintenant, elles n’ont cas se lancer ?
« Ce qui est difficile, c’est de se sentir légitime de s’exprimer publiquement alors que dans notre société, la parole féminine est traditionnellement limitée à l’espace privé. » explique Dominique Cabrera, professeure de cinéma à La Fémis, à Harvard et à l’université de Paris Panthéon-Sorbonne. Les femmes souffrent d’un manque considération. Elles doivent donc doublement se battre. On remarque qu’elles sont souvent contraintes à des allocations de budget moindre par rapport à ceux des hommes… Elles sont peu encouragées à se lancer dans la réalisation.
Pour tenter de comprendre d’avantage, il est intéressant d’observer ces chiffres…
On constate également…
Pourquoi est-ce important que les femmes parlent de femmes ?
Car les réalisatrices apportent un autre regard sur les héroïnes. Certaines d’entre elles, détachées d’injonctions liées à la culture patriarcale, répondent à l’intéressante théorie du female gaze d’Iris Brey, c’est-à-dire que l’on arrive à être à la fois dans leur tête et dans leur corps.
Les femmes ont besoin de modèles pour se stimuler entre elles (mais pas que, on est d’accord mais quand même)
L’autocensure peut aussi provenir de freins sociaux auxquels vient s’ajouter le manque de modèles pour inciter les jeunes femmes à se tourner vers la réalisation, c’est pourquoi la rédaction de Road to Cinema, 100% composée de femmes issues du cinéma et du secteur professionnel de l’audiovisuel, s’est faite un bonheur de vous présenter 7 superbes films français réalisés par des femmes, sortis au grand écran ces derniers mois. Ils forment le nouveau visage du paysage audiovisuel en clin vers plus de diversité.
Découvrez l’histoire de ces petits bijoux naissants. Road to Cinema vous raconte quelques unes de leurs anecdotes cinématographiques, vous présente leur plus belle photographie et vous fait une rapide critique afin de vous créer un programme cinéma du feu de Déesse !
1. Atlantique de Mati Diop
Nommé au César du Meilleur Premier Film 2020, Atlantique est réalisée par Mati Diop, co-produit majoritairement en France, il est aussi sénégalais et belge. L’histoire raconte celle de Ada, une femme promise. Souleiman, l’homme qu’elle aime réellement en cachette quitte Dakar pour l’Espagne. Quelques jours après le voyage en mer de ce dernier et de ses camarades de route, un incendie dévaste la fête de mariage d’Ada et de mystérieuses fièvres s’emparent des filles du quartier…
Ce film nous plonge sous le regard de ces femmes sénégalaises qui attendent inlassablement le retour de leurs époux, de leurs frères, de leurs pères, partis dangereusement par la mer dans l’espoir de trouver un avenir meilleur en Europe. Victimes d’injustices et de la misère, les épouses, les sœurs, les mères de ces hommes tentent de leur trouver vengeance…
L’héroïne du film, Ada, est interprétée par Mama Sané, une jeune sénégalaise dont Mati Diop, la réalisatrice, fait la rencontre dans les rues de Dakar. Il leur aura fallu d’un regard pour que cette belle histoire emmène Mama Sané à apprendre entièrement le métier de comédienne sur le tournage d’Atlantique avec son partenaire de jeu Ibrahim Traore. Leurs performances entraînera le duo de jeunes acteurs jusqu’aux Révélations des César 2020. Mama Sané sera même par la suite nommée au Meilleur Espoir Féminin des César 2020.
2. Chanson Douce de Lucie Borleteau
Chanson douce est un film français réalisé par Lucie Borleteau, sorti en 2019. Il s’agit d’une adaptation du roman du même nom de Leïla Slimani. Paul et Myriam ont deux enfants en bas âge. Ils engagent Louise, une nounou expérimentée, pour que Myriam puisse reprendre le travail. Louise se montre dévouée, consciencieuse, volontaire, au point que sa présence occupe une place centrale dans la famille. Mais très vite les réactions de Louise deviennent inquiétantes.
Le film évoque la difficulté d’une mère, jouée par Leila Behkti, a répondre au dilemme cornélien entre sa carrière, l’éducation de ses enfants et retrouver l’harmonie au sein de son couple. Cette dernière tentera de soulager sa charge mentale, avec son mari, sur Louise, une nounou qui semble remplir toutes les cases de la perfection maternelle…
Louise, la charmante et glaçante babysitter est interprétée par la talentueuse Karin Viard. Sa performance époustouflante lui vaudra une nomination au César de la Meilleure Actrice 2020.
3. Tu Mérites un Amour de Hafsia Herzi
Tu Mérites un Amour raconte l’histoire de Lila, une jeune femme qui a été larguée par son petit ami après un an de relation. Elle éprouve des sentiments contradictoires, entre la volonté de le reconquérir ou celle de le maudire et de passer à autre chose…
Le film suit entièrement les aventures de Lila. Le jeu sincère de Hafsia Herzi nous rappelle cette amie qui traverse un chagrin d’amour mais aussi celle qui enchaîne les conquêtes, le personnage principale possède ce petit quelque chose qui la rend singulière et libre, malgré elle.
Après un court métrage en 2010, Hafsia Herzi a scénarisé, réalisé et autoproduit ce premier long métrage. Elle le tourne avec peu de moyens et une équipe réduite durant l’été 2018. Son film connaîtra une très belle vie en festival. En mai 2019, Tu mérites un amour est sélectionné à la Semaine de la critique durant le Festival de Cannes, où il est en compétition pour la Caméra d’or et la Queer Palm. Son attachant coéquipier de plateau et ami, Djanis Bouzyani, représentera même le film aux Révélations des César 2020.
4. Papicha de Mounia Meddour
Papicha est un film réalisé par Mounia Meddour, coproduit par la France, l’Algérie, la Belgique et le Qatar, présenté en 2019 au Festival de Cannes. Le film nous plonge à Alger dans les années 90 au côté de Nedjma, 18 ans, étudiante qui rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle se faufile à travers les mailles du grillage de la Cité avec ses meilleures amies pour rejoindre la boîte de nuit où elle vend ses créations aux papichas, jolies jeunes filles algéroises.
En français algérien, papicha est un mot désignant une jeune fille coquette. Le film raconte l’histoire de Nedjma, une jeune étudiante créative, ambitieuse et pétillante. Privées de certaines libertés liées à leur condition de femme, la protagoniste et ses amies se battront pour réaliser un de leur rêve : faire un défiler de mode.
Le rôle de Nedjma permet alors à l’actrice Lyna Khoudri de remporter le César du meilleur espoir féminin 2020. Mounia Meddour, la réalisatrice remportera également un César, celui du meilleur premier film 2020. Ces récompenses hautement méritées mettent en lumière le magnifique travail de ces femmes qui offrent un nouveau visage au cinéma français.
5. Proxima de Alice Winecour
Proxima est réalisé par Alice Winocour. Le film met en lumière Sarah, une astronaute française qui s’apprête à quitter la terre pour une mission d’un an, Proxima. Alors qu’elle suit l’entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d’hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.
Le scénario s’inspire des témoignages de femmes astronautes. Parmi celles ayant dû concilier leur carrière avec la maternité se trouvent par exemple Claudie Haigneré, Samantha Cristoforetti ou Julie Payette. Ce film offre un regard nouveau sous celui de la femme dans les domaines des sciences, malheureusement trop peu reconnues dans nos récits d’apprentissage.
Le rôle d’Eva Green dans celui de Sarah lui permettra d’être nommée au César de la Meilleure Actrice 2020. Le film remportera auparavant une récompense au Festival international du film de Toronto (TIFF 2019).
6. Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma
Portrait de la jeune fille en feu réalisé par Céline Sciamma. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.
Céline Sciamma fait l’exercice de refuser les codes traditionnels. Sa caméra filme la corporéité sans filmer de corps nus dans les scènes de sexe. Elle réfute que le corps des actrices doivent être perçus comme des objets de plaisir pour le spectateur. Avec pudeur, elle apporte un nouvel œil sur la sensualité féminine : un plan sur des aisselles, un autre dans le creux de la nuque, un frisson pour une phalange effleurant la paume d’une main, les gestes d’affection les plus anodins deviennent érotiques, même la peinture à l’huile qui s’étale sur une toile vierge devient douce et précieuse comme l’amour naissant de ce puissant duo. Un petit bijou apporté au cinéma lesbien mais pas que.
Portrait de la jeune fille remportera 3 récompenses aux Festival de Cannes 2019 : le Prix du scénario, la Queer Palm et le CST de l’Artiste-Technicien. Nommé à 10 catégories aux César, le film remportera le César de la meilleure photographie par la talentueuse technicienne Claire Mathon. Adèle Haenel et Noémie Merlant, toutes deux fantastiques, seront nommées dans la même catégorie César de la Meilleure Actrice. Malheureusement aucune d’entre elles ne remporteront le prix, très certainement parce que leurs voix se sont divisées entre l’une et l’autre.
7. Sybil de Justine Triet
Sibyl est un film français réalisé par Justine Triet. Cette comédie dramatique raconte la vie de Sibyl, une psychothérapeute, qui revient à sa première passion : l’écriture. Mais sa nouvelle patiente, Margot, une actrice troublée et en devenir, s’avère être une source d’inspiration bien trop tentante. Fascinée presque à un point obsessionnel, Sibyl s’implique de plus en plus dans la vie tumultueuse de Margot, ravivant des souvenirs explosifs qui la confrontent au passé.
Sibyl est une héroïne imparfaite. Selon la société, elle pourrait être catégorisée de mauvaise mère. Elle préfère faire confiance à son instinct et laisser exprimer ses envies et non pas par la logique, en connexion avec son corps et se fiche bien des injonctions. Elle vit sa vie comme elle l’entend sans jugement ni morale. Après une discussion avec un ami dans le milieu de l’édition, Sibyl se met à écrire un film en posant la question suivante : y aurait-il d’autres modèles de fiction que la fascination pour des héros qui tuent les femmes, ou des femmes sexualisées dépeintes comme des monstres ?
Sybil et Margot sont interprétées par Virginie Efira et Adèle Exarchopoulos, ce touchant duo emmènera le film jusqu’en compétition officielle au Festival de Cannes 2019.
Sources chiffres et schémas par le Collectif 50/50